Les producteurs de coton sont ceux qui tirent de meilleurs revenus monétaires de leur métier. Cependant, leurs familles, à l’instar des autres familles du milieu rural sont malnutries. Ce paradoxe pourrait àªtre du au manque d’information sur la bonne alimentation et son impact sur le bien àªtre. L’ONG Africare a décidé de réduire cette ignorance. Dans les lignes qui suivent nous vous faisons découvrir, à travers compte rendu, portrait et témoignage, le projet de sécurité alimentaire HANARP élaboré en partenariat avec l’UNPC B pour gagner le défi de la bonne alimentation des producteurs de Karangasso Vigué.
Au Burkina Faso, les producteurs sont de la tranche de la population qui se nourrit mal.
Car ils disposent de faibles revenus mais aussi parce qu’ils sont très peu informés sur les conditions d’une bonne hygiène alimentaire.
Ainsi il n’est pas rare de voir des enfants souffrants de maux liés à la malnutrition alors que leurs parents ont la capacité de produire les aliments nécessaires à leur bien àªtre.
Certains agriculteurs produisent des aliments (légumes, œufs, volailles, bovins) à fortes valeurs nutritives mais en privent leurs familles à cause de préjugés (aliments destinés aux citadins) et d’interdits sociaux (les œufs interdits aux enfants, etc).
Pour réduire les drames occasionnés par ces comportements, l’ONG Africare avec l’appui financier du Fonds MONSANTO, a initié avec l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina, les services décentralisés du Ministères de l’Agriculture de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques, celui des Ressources Animales et de la santé , un projet de sécurité alimentaire pour améliorer la nutrition des producteurs sur la base des produits locaux.
Ce projet, dénommé Alternatives Nutritionnelles et Agricoles pour les Producteurs de Revenus du Houet (ANARPH) vise à accroàître la prise de conscience du problème de sécurité alimentaire aux producteurs de revenus, plus particulièrement les cotonculteurs dans le Houet.
Bien que le document de projet soit optimiste du point de vue de son impact durable sur la vie des producteurs, les parties impliquées ont souhaité une phase pilote de ANARPH.
Ainsi, la phase pilote du projet ANARPH a été lancée en février 2007 à Karangasso Vigué, un département de la province du Houet (Ouest du Burkina) situé à environ 65 km de Bobo Dioulasso sur l’axe Bobo- Diébougou. Elle doit durer deux années et concerne 10 villages.
Le projet ANARPH vise quatre objectifs stratégiques à savoir :
(1) Renforcer les capacités des communautés à gérer les risques ;
(2) diversifier la production vivrière des ménages ;
(3) améliorer la nutrition et la santé des ménages ;
(4) améliorer les revenus des ménages.
Sept agents ont pour mission d’assurer la qualité de mise en œuvre du projet en vue d’atteindre ces objectifs avec l’appui des partenaires techniques et des producteurs.
Dans ce sens, un Conseiller en production végétale et animale, qui est aussi le Coordonnateur du projet, et un Conseiller en santé et nutrition se chargent, à partir du siège du projet à Bobo, d’élaborer les stratégies pour la conduite des activités déterminées, la gestion administrative du projet et le partenariat. Du personnel administratif constitué de trois personnes les accompagne.
Sur le terrain, deux animateurs, l’un chargé du volet agricole/élevage et l’autre, du volet santé et nutrition réalisent avec les producteurs et les personnes ressources communautaires, le planning établi par les spécialistes.
39,3 tonnes de produits vivriers récoltés en une campagne
Pour ce qui concerne l’agriculture et l’élevage, les activités reposent sur une stratégie de dissémination des technologies améliorées de production par des démonstrations suivies de visites commentées. Les démonstrations consistent à comparer les systèmes de culture améliorés aux pratiques habituelles du paysan démonstrateur pour le convaincre de l’intéràªt à changer de stratégies de production en vue d’accroàître sa productivité.
Durant la campagne agricole, l’animateur en agriculture a encadré des producteurs volontaires dans la mise en œuvre de démonstrations de variétés alimentaires améliorées peu répandues dans le département, avec l’appui des agents du ministère de l’agriculture.
Le projet a offert à ces producteurs volontaires, des semences améliorées (provenant de l’INERA ou d’autres régions du Burkina Faso), et leur a également apporté un suivi technique durant toute la campagne hivernale. Ainsi, 279 démonstrations de la culture des variétés améliorées de sorgho, niébé, arachide, sésame, bissap, gombo, patate douce, de tomate, de chou, d’aubergine, etc. ont pu àªtre réalisées. Ces démonstrations visent à fournir un environnement de formation et d’échange, à évaluer l’adaptabilité aux conditions locales des techniques introduites, et enfin stimuler une large adoption des techniques évaluées et acceptées par les communautés.
Ces champs ont pu donner une production de 39,3 tonnes et ce malgré les instabilités qui ont marqué cette saison hivernale.
Heureux de ces rendements et informés sur les qualités de leurs productions, les producteurs recommencent à s’intéresser à des variétés qu’ils abandonnaient à cause des contraintes de production et de la baisse de la demande du marché.
Au début de la longue saison sèche, loin de laisser les producteurs volontaires retourner à leurs habitudes de repos, le projet les a encouragés à essayer le maraàîchage.
236 producteurs dont 47 femmes ont bien voulu tenter l’expérience. Le projet ANARPH a installé les infrastructures de base nécessaires au maraàîchage. Ils ont bénéficié de 10 puits maraàîchers, de 23 périmètres aménagés sur une superficie total de 13,5 ha.
Ces nouveaux maraàîchers ont reçu les formations adéquates, les équipements agricoles, les semences et les intrants pour réussir leur nouvelle activité.
Dans le màªme moment, en collaboration avec l’agent d’élevage et des volontaires, le projet a pu former des vaccinateurs et des producteurs en techniques d’élevage, réaliser 101 démonstrations en élevage et plusieurs autres activités.
Avec les nouvelles productions vivrières et les animaux d’élevage, les producteurs qui ont participé à cette phase pilote arrivent à varier l’alimentation de leurs familles ; les protégeant ainsi de la malnutrition et de ses conséquences tout en écoulant les excédents sur les marchés environnants afin de disposer de revenus complémentaires.
91,5% d’enfants déparasités et 90,5% d’enfants suivis sont en gain pondéral!
En plus d’àªtre encouragé à diversifier leur agriculture et élevage, les habitants de Karangasso Vigué en particulier les enfants de 0 à 5 ans bénéficient d’un meilleur suivi sanitaire.
L’animatrice en santé/ nutrition santé du projet, en collaboration avec les agents de santé et des personnes ressources communautaires en nutrition mène des activités de suivi mensuel de la croissance des enfants de 0 à 36 mois, des séances de causeries éducatives avec les mères et les femmes enceintes, des séances de déparasitages et de supplémentation en vitamine A aux enfants et aux femmes en post partum immédiat et bien d’autres activités promotionnelles visant à améliorer la situation nutritionnelle des populations et précisément celle du couple mère enfant.
l’organisation des séances de pesées mensuelles régulières de Juin à Décembre 2007 montre que sur un effectif de 4807 enfants inscrits dans l’ensemble des 10 villages du projet, 3430 enfants (soit 71,3%) ont été pesés dont 80,7% régulièrement suivis. L’on enregistre 90,5% d’enfants en gain pondéral, 2,7% en perte de poids, 2,6% en poids stationnaire, et avec 78,2% d’enfants qui ont connu une augmentation successive de poids au cours du dernier trimestre 2007. Aussi 91,5% d’enfants de 6 à 36 mois ont été déparasités, plus de 100% des enfants de 6 à 59 mois et ont bénéficié de la supplémentation en vitamine A
« Avec le projet ARNPH, la population adhère mieux aux principes de la santé. Quand nous allons dans les quartiers, les habitants nous montrent leurs maladies. Les cas de maladies très graves ont diminué dans le dispensaire » témoigne OUEDRAOGO Seydou, un Agent Itinérant de Santé du Centre de santé de Soumousso (l’un des gros villages de Karangasso Vigué). Ce changement positif est le résultat de l’engagement des agents de santé du département et de la population bénéficiaire. En effet, les districts sanitaires sont impliqués dans la mise en œuvre du projet. Cinq de leurs agents ont été formés aux techniques d’encadrement nutritionnel.
Les habitants de chacun des 82 quartiers et hameaux de culture o๠se mènent les activités de santé et nutrition ont, eux aussi, désigné leurs personnes ressources communautaires (PRCN) pour appuyer la mise en œuvre des activités de nutrition. Ils sont aujourd’hui, 101 PRC à servir de relais entre le projet et leurs communautés de base et à appuyer les activités du projet.
De juin 2007 à février 2008, l’animatrice a pu recenser également avec l’aide des PRCN, 348 femmes enceintes pour le suivi de la maternité à moindre risque. Elle a enseigné aux mères d’enfants la préparation des bouillies enrichies avec des produits locaux. Les différentes démonstrations qui ont suivi ont permis d’alimenter 26 000 enfants de six mois à trois ans.
Avec l’appui d’agents des centres de santé du département, elle mène des causeries éducatives avec les femmes enceintes et les mères. 20 479 mères et 1704 femmes enceintes ont pris part aux causeries.
Dans le département de Karangasso Vigué, les habitants enthousiasmés par ces premiers résultats, espèrent que l’appui du projet ANARPH sera durable. SANA Seydou, le Vice Maire et Vice Président de l’UDPC de Karangasso Vigué, le dit sans détour : « le projet ANARPH est bien intégré dans le plan de développement de mon département ; nous ne voulons pas qu’il s’arràªte après seulement une année de vie ».