IMPACT DE LA CRISE ECONOMIQUE SUR LES PRODUCTEURS DE COTON AFRICAINS

L’Agence de Coopération et d’Information pour le Commerce International, en collaboration avec le groupe C4 a organisé, le 23 avril à  Genève, une conférence sur l’initiative sectorielle en faveur du coton.
Le Président du groupe C4 et la direction de l’ACICI ont envoyé une correspondance au ministère du commerce du Burkina pour m’inviter, en tant que Président de l’Association des Producteurs de Coton Africains, à  intervenir sur la situation de la filière coton et l’impact de la crise financière et économique sur notre filière.

La conférence ACICI m’a été très utile. Grà¢ce à  sa tenue, j’ai su que la présidence du groupe C4 est maintenant confiée à  l’ambassadeur du Burkina en Suisse, son Excellence VOKOUMA Prosper. J’ai constaté que l’alternance n’a eu aucun effet négatif sur le groupe et aussi que le C4 bénéficie toujours du soutien de tous les 36 pays producteurs de coton en Afrique.
Je pense que les représentants de ces pays qui ne sont pas officiellement dans le C4 savent bien que le traitement du dossier coton bénéficiera à  tous les pays producteurs de cette fibre naturelle en Afrique.
J’ai compris que ce dossier est màªme soutenu par des pays africains qui ne produisent pas de coton car ils ont compris que c’est la cause de l’Afrique qui est défendue à  travers lui.
Comme nous, ils voient que le dossier coton contribue à  rendre l’Afrique visible et à  affirmer sa place dans le débat commercial. Ce dossier fait école pour les négociations concernant les autres filières agricoles.

Il semblerait que lors de sa dernière rencontre le G20 a abordé la question des engagements pris à  DOHA et qui, s’ils sont mis en œuvre, doivent donner une autre image à  la mondialisation. J’ai alors compris que les chefs d’Etat continuent à  se battre sur ce dossier.

Certains partenaires du sud continuent à  montrer leur volonté de soutenir l’initiative coton. Cela me rassure.
Ainsi le Brésil vient de signer une convention avec les pays du C4 dans le but de partager avec eux, son expérience dans la production du coton.
Le Brésil, ce pays parmi les leaders de la production du coton dans le monde, a des caractéristiques naturelles et sociales qui s’approchent des nà´tres. Nous pouvons donc apprendre beaucoup de leurs expériences sur le coton.

La Chine, l’Inde et le Japon montrent chacun une certaine volonté à  soutenir l’initiative coton et à  investir dans les pays africains pour que cette spéculation reste un outil de développement.
L’UE et les USA sont d’avis qu’il faut absolument trouver une solution à  ce dossier coton.

Aux USA, la baisse de la production cotonnière est déjà  de près de 40%. Cette baisse vient renforcer ma conviction que la filière cotonnière doit continue d’exister en Afrique pour les avantages que nous lui connaissons, et maintenant pour occuper la place dégagée grà¢ce à  la restructuration économique aux USA.
La conquàªte de ce marché est impérative pour l’Afrique. Les grands pays producteurs de coton des autres continents ont le temps d’attendre mais les pays de coton en Afrique ne peuvent le faire.
Avec la crise, la production africaine est passée de 2 millions de tonnes de fibres à  environ 1 million de tonne de fibres et cette production sera vendue à  un bas prix.
Pourtant, les 15 millions de personnes dépendantes du coton dont on parle depuis plusieurs années ne doivent se contenter que de la valeur de ce million de tonne pour se nourrir. Le chiffre de 15 millions véhiculé depuis 2001 ne doit màªme plus àªtre exacte ; si nous devons tenir compte du fort accroissement de la population dans nos contrées.
Ceci pour dire que les personnes dépendantes du coton sont actuellement plus nombreuses qu’en 2001 mais doivent toujours se contenter des maigres revenus.

L’effet ciseau, provoqué par l’augmentation du coût de l’engrais, de 20 à  30% par an, qui entra&agraveîne la baisse de la production du coton et la baisse du court du coton, est entrain de mettre la jeunesse africaine sous pression. Les jeunes qui ne veulent pas se faire écraser (par l’effet ciseau) sont entrain de quitter les campagnes pour les villes et pour l’Occident.
Si les producteurs de coton avaient été peints en blanc dans les pirogues et les bateaux d’immigration, on s’étonnerait de leur nombre sur la route de l’exil.

Dans la plupart des pays cotonniers en Afrique, l’organisation de la production du coton est liée à  celle des céréales. Ainsi, les céréales ont pris un coup à  cause des turbulences dans la filière coton. La baisse de la production céréalière a eu pour effet la crise alimentaire.
Cela a aggravé la vie chère qui s’est traduit en casses dans certaines grandes villes africaines.
En tant que non violent je n’encourage pas ces casses mais si ces jeunes ne sont pas en sécurité, la base de ceux qui ont leur fortune dans les centres commerciaux est en risque.

Nous reconnaissons aussi que nous, les pères de familles, ne sont pas non plus en sécurité car nos jeunes vont s’en aller et nos familles seront déstabilisées. La production de coton fourni plus de 80% de revenus monétaire à  nos campagnes.
Je le sais car dans ma jeunesse, en plus du travail de la terre, j’avais une boutique dans mon village. Lors des mauvaises campagnes cotonnières la pauvreté se répercutait sur mon commerce car tout le monde venait s’endetter à  ma boutique. En fin de compte, ma boutique est tombée en faillite. A partir de cette expérience, j’ai compris qu’on ne peut pas se faire de l’argent parmi les pauvres, y rester heureux et en àªtre sécurité.

Par rapport à  l’effet à  long terme de la crise financière sur les sociétés cotonnières, je rappel qu’avant la crise ces sociétés pouvaient vendre près de 50% du coton de la campagne à  venir avant màªme que les paysans ne l’aient semé. Avec la crise, peu de partenaires s’engagent à  l’avance et encore, ceux qui le font, quel prix proposent-ils?
Certains d’entre eux s’engagent mais ne donnent pas de garantie valable ou n’enlèvent pas la marchandise.

A Genève, des participants nous ont demandé « pourquoi les sociétés cotonnières n’avaient pas profité de la hausse du cours du coton de juin à  aout 2008 pour conclure des marchés » ?
A ce que je sache, cette hausse n’a duré que 2 mois. Les négociants et les sociétés cotonnières, ne prévoyant pas la crise ne pouvaient pas profiter de cette hausse qui n’a duré qu’un bref temps. Quelques temps, la crise a provoqué la chute de certains négociants.
Ainsi, ne disposant pas de bon de commande, les sociétés cotonnières ont de la peine à  contracter des pràªts auprès des banques pour payer la production chez le paysan.

Les pràªts sont difficiles à  obtenir car certaines des banques à  qui elles s’adressent sont liées aux institutions financières occidentales en crise. Ces institutions elles, ont au moins la chance de n’avoir pas à  attendre longtemps la solution à  leurs difficultés. Dès le début de la crise financière, les Etats Occidentaux ont débloqué des milliards afin de soigner les effets de cette crise sur ces institutions.
Il n’est pas de màªme pour les producteurs de coton qui eux, attendent depuis 2001 que les inégalités sur le marché mondial soient résolues.

Dans ma communication, j’ai insisté sur le fait que la crise vient montrer encore une fois que les investissements doivent porter sur ce qui est productif dans cette mondialisation.
L’Afrique dispose d’énormes potentialités humaines et matérielles. Elle reste aussi un réservoir de consommateurs. Mais si les potentialités de notre continent ne sont pas bien valorisées dans la mondialisation, la boutique dans le village ne peut que fermer.

On nous dit que la crise est née de la spéculation exagérée de personnes malines en Amérique et en Europe. Heureusement que c’est dans ces grands pays que ces personnes ont provoqué les drames qui nous font tous souffrir actuellement. Si cela s’était produit en Afrique, on nous aurait demandé « pourquoi il n’y a pas eu d’études, de consultations pour empàªcher la crise»? Eux comme nous savons que les études coûtent extràªmement chères.
Certaines sociétés occidentales ont actuellement de véritables difficultés à  survivre dans cette crise, pourtant il y a quelques années, c’est elles qui étaient expertes et venaient nous donner des leçons.

Cette attitude de réclamer des études à  chaque fois qu’un obstacle survient dans nos organisations risque de transformer l’Afrique en un marché pour les experts en étude.
Les études, souvent réclamées par l’Occident donnent peu de garanties à  l’Afrique d’obtenir d’autres revenus et d’augmenter sa capacité de consommation.
Autant nos pays se battent, autant l’Occident doit les aider à  s’intégrer dans la machine économique.

Certains participants se sont intéressés aux réformes des filières.
Nous leur avons dit que les libéralisations se poursuivent mais avec des grincements de dents pour les sociétés cotonnières qui n’ont pas de preneurs ou, si ces preneurs existent, leur proposent leurs participations mais sous des conditions qui sonnent comme des sanctions.

Nous, nous voyons les réformes avec la responsabilisation des producteurs de coton.
C’est l’une des raisons de la création de l’Association des Producteurs de Coton Africains. Nous sommes convaincus que notre vision de collaborations franches et professionnelles entre les producteurs et leurs Etats est pertinente pour sauver et améliorer notre filière. Cette vision s’est déjà  concrétisée dans d’autres pays.

Nous savons aussi que la formation est très importante pour une véritable professionnalisation des producteurs de coton. D’o๠la création de l’Université du Coton dont le siège est prévue à  l’Université Polytechnique de Bobo Dioulasso.
Ce cadre de formation est destiné en premier lieu aux producteurs chargé de défendre leurs pairs dans les instances de décisions et ensuite aux autres acteurs de la filière afin qu’ils comprennent et adhèrent à  nos ambitions.

La conférence de l’ACICI a été une occasion pour lancer un appel à  tous les pays producteurs de coton à  participer à  la construction de l’Université du Coton, afin d’en faire un outil de perfectionnement dans la filière cotonnière africaine. Là -dessus, l’UE à  travers l’UEMOA est déjà  sur la voie.
Je pense que d’autres partenaires comprendront et participeront car il s’agit d’un instrument que les producteurs africains ont demandé et nous, nous ne répondons qu’à  leur besoin.

Je remercie le président de l’OMC. Je remercie aussi le Vice Président de l’OMC qui a bien voulu représenter le plus haut responsable de cette institution et qui n’a ménagé aucun effort pour un bon déroulement de cette rencontre. J’exprime ma reconnaissance également au président et aux membres du groupe C4, à  l’ACICI ainsi qu’à  tous les représentants africains qui ont compris la portée panafricaine de ce dossier et qui soutiennent ses porteurs.
Vous tous qui intervenez positivement sur ce dossier, àªtes une lumière pour l’Afrique.

Bobo Dioulasso, le 30 avril 2009

François TRAORE
Docteur Honoris Causa
Président de AProCA

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